En cette rentrée 1960 je fais mon
entrée au Collège d’ Argelès, la cour des grands pour la petite
fille de 10 ans que je suis. Je découvre un univers stupéfiant, le
professeur d’ Espagnol qui ne s’adresse à nous qu’en espagnol
jusqu’à la moindre rature qu’il nous corrige de sa voix
tonitruante et rauque à la fois. Une terreur l’idée de faire une
erreur. Etonnons nous que je parle couramment l’espagnol !
Je pourrais en parler car il m’a
marquée.
Cependant ce n’est pas de lui que je
vais m’entretenir.
C’est du professeur de mathématiques.
Jeune, mince sautillant sans cesse, très nerveux, tonique et bon
professeur.
Monsieur Serre devait avoir 35 ans ,
d’un dynamisme à couper le souffle et sans doute passionné par
son métier. Je l’ai eu pendant 3 année sur 4 il m’aimait
beaucoup et s’obstinait à dire à mes parents « C’est une
matheuse » alors que j’avais des résultats déplorables. Il
avait raison dans le sens où j’ai une logique très mathématique
qui ne s’est jamais démentie avec le temps.
Il m’aimait beaucoup et pourtant il
m’a giflée. La première –et dernière- gifle d’un professeur
dans ma carrière d’élève.
Quand on en connaît le motif cette
gifle est aussi incongrue que comique.
Non je n’étais pas dissipée, ni
bavarde. Pas davantage mauvaise élève ou étourdie. Mes cahiers
étaient bien tenus, je n’étais pas irrévérencieuse . Je
n’avais rien qui justifiât pareil châtiment. Mes notes moins que
moyennes n’y étaient pour rien. Et Alors me direz-vous ?
Figurez-vous qu’un jour il s’est
mis en tête de nous apprendre à lire un pied à coulisse.
Vous connaissez toutes le pied à
coulisse et savez toutes le lire, je suppose !
Et bien je n’ai pas su : j’avais
beau retourner dans tous les sens cet objet de mesure, me pencher sur
ces tas de petits traits et sur ces chiffres qui se mélangeaient,
voire se superposaient, rien n’y faisait. Je retournais l’objet
en tous sens, terrifiée comme s’il eut du me dévorer, toujours
rien. Le métal grisâtre me brûlait les doigts et les rainures
dansaient devant mes yeux hagards. Rien ! Finalement, excédé,
le professeur me gifla à la volée. Ce qui ne m’apprit pas
davantage à utiliser l’engin.
Ironie du sort : savez-vous quand
pour la première fois de ma vie j’ai eu besoin d’utiliser un
pied à coulisse ? A 63 ans lorsque je décidai de me lancer
dans le bricolage. Je l’utilise et, comble de l’ironie, je ne
sais toujours pas le lire…car je n’ai pas besoin de sa lecture
pour mon utilisation !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire