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mercredi 2 décembre 2015

Un texte sur la neige par Colette

à l'intention des personnes de plus de soixante ans, dédié à leurs " maîtresses " du CP au Cours Moyen.


Vous rappelez-vous la neige de nos récitations
de jeunes écolières, celle qui tombe en voletant
sur la cour de récréation,
celle de Jean Richepin et d'Emile Verhaeren, fin duvet et manteau d'hermine,
La neige qui roule en boule et forme ce bonhomme qui croit se réchauffer mais fond près de la cheminée,
la neige de cet hiver qui n'est rien qu'un vilain et a bien mauvaise mine
de Charles d'Orléans, de Jacques Prévert aussi
et de cette Lucie qui porte un nom de rue.....
Cette neige nostalgie, la voyez-vous aussi ?
Neige décoration, heureuse de parer les jolis paysages de nos cartes de vœux, de celles qu'on n'envoie plus , remplacées par un mail ou bien par un texto.
La neige de l'enfance aux yeux écarquillés, la neige des poètes, celle dont on se demande
mais où est-elle passée ?
La neige froide et dure , celle qui neigeait, neigeait, neigeait,
et ensevelissait
les grognards que menait
le père du Grand Hugo.
Je la revois encore en ouvrant des bouquins,
elle pose quelques flocons mais disparaît bientôt,
laisse un cristal très fin
de douce mélancolie,
Mais où sont, où sont toutes ces neiges d'antan ?
Je vois celles d'aujourd'hui,
j'en vois beaucoup , beaucoup :
la neige du Boulou,qui coiffe le Canigou,
la neige des grandes villes qui tourne à la gadoue,
la neige du lapon qui en fait sa maison,
les neiges exotiques du Kilimandjaro
et du Fujiyama qu'on voit sur les photos.

La neige-événement dont on parle un moment,
transitoire ornement
des palmiers habitués aux très doux alizés de méditerranée,
la neige nourricière comblant les oliviers des monts de cette contrée.
La neige de Sibérie,
instrument de torture de despotes sanguinaires,
la neige d'Australie
où tout est à l'envers,
où l'on fêtera Noël, oui, Noël, en juillet,
La neige du sans-logis, engourdi et glacé qui n'en sortira pas,
Il fera le 20 heures, samedi à la télé,
on sera pincé au cœur, dira plus jamais çà
mardi, on l'oubliera.
La neige du gosse de riche qui s'en ira skier
au mois de Février.
La neige maquilleuse, manteau blanc éclatant
qui masque tout défaut et rend charmant, charmant, absolument,
le gros tas d'immondices
qu'on a accumulé tout le long des canisses.
Cyrano me pardonne si je le parodie,
un texte sur la neige écrit pour vous, amies,
mais à tout prendre qu'est-ce ? ......

" une communion ayant un goût de fleur, "
" une façon d'un peu se respirer le cœur,"
" Et d'un peu se goûter au bord des [ stylos ] l'âme "

La neige par Kerstin

La neige tombe. Elle tombe depuis des heures. Les flocons sont si légers, si légers, mais ô si impitoyables.
La neige tombe. Elle nous souffle à l´oreille : « Voilà, je suis de retour. Vous m´avez tant manqués, les enfants. Mais maintenant je m´installe et on va se fréquenter, n´est ce pas ?
La neige tombe. Elle nous isole du monde. Les maisons, les arbres, les repères sont disparus derrière un rideau gris étain.
La neige tombe. Elle nous prend l´air. Il n´en reste presque pas assez pour respirer. Les sons sont coupés, le silence règne.
La neige tombe. Est-ce que le temps passe ? Ou le temps s´est-il figé dans une bulle de neige qui tombe, tombe ?
La neige ne tombe plus. Mais on l´entend. Elle chuchote : « Je suis fatiguée maintenant, je vais me reposer un peu. Mais je reviendrai demain. Et après-demain. Et... »