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mardi 24 février 2015

Fable mérovingienne

Suzanne était allée à l'école de la République et c'est là qu'elle avait appris beaucoup de choses sur les rois de France.

Elle était travailleuse, ses brillants résultats le prouvaient. Au fur et à mesure de sa  scolarité, l'intérêt qu'elle portait à l'Histoire se mua en enthousiasme puis en véritable passion. Elle choisit donc naturellement son sujet d'études et embrassa avec ferveur sa période de recherche en préparation d'une thèse.

Elle choisit l'époque des Rois Fainéants. Elle avait développé depuis son plus jeune âge une véritable attirance pour ces soi-disant paresseux couronnés qui parcouraient  leurs domaines dans des chariots, allongés - imaginait-elle - sur leurs couettes rembourrées de duvet - non pas , pensait-elle par indolence mais bien pour atténuer les cahots que les ornières des chemins pré-médiévaux ne devaient pas manquer de causer .

Débutante et pleine d'ardeur, elle ambitionnait de démontrer que ces Mérovingiens loin d'être fainéants étaient en fait des précurseurs qui avaient développé l'idée de confort et de détente et,  partant, préparé les futurs Français et même l'humanité toute entière aux bienfaits de la relaxation dont on sait aujourd'hui combien elle est nécessaire à la bonne santé.

Elle axa donc ses recherches sur cette idée. Il ne lui fallut pas longtemps pour percer les secrets des Mérovingiens, puis, fidèle à son concept, elle s'employa à vérifier si  l'élevage des oies et des canards avait pris de l'ampleur dans leur territoire mais elle dut se rendre à l'évidence,  les données fiables sur les basses-cours de l'époque étaient difficiles à trouver.

Elle devisait régulièrement avec son directeur d'études, au profil aquilin et sourire fort amène ;  c’était un spécialiste de Clovis et ses travaux sur le Vase de Soissons avaient cassé bien des idées reçues .Il l'éclaira à plusieurs reprises sur les pistes à poursuivre.

Suzanne fut rapidement séduite par cet intellectuel qui partageait son ardeur pour ces époques reculées. Elle lui parla des couettes et édredons des Rois Fainéants. Il lui proposa des travaux pratiques. Ce fut satisfaisant et après plusieurs essais, ils emménagèrent ensemble dans un appartement douillet.

Las, l'idylle fut de courte durée, le séducteur révéla ses tendances gauchistes et son analyse marxiste du rôle des Maires du Palais en général et de Pépin Le Bref en particulier eut  l'heur de déplaire fortement à Suzanne qui mit sèchement fin à la liaison.

Elle changea de faculté et continua ses recherches avec une ferveur redoublée. Les Rois Fainéants la poussaient au travail.

Elle fit d'autres rencontres parmi lesquelles un spécialiste des essieux moyenâgeux dont la thèse sur l'usage du marteau à deux pointes chez les forgerons et charrons sous le règne de Charlemagne avait fait beaucoup de bruit dans le milieu des pré-médiévistes. Il la fascina quelque temps mais il était un piètre amant et l'attirance ne dura pas.

Ses recherches piétinaient, elle touchait au désespoir quand une bourse lui fut versée par un mécène russe dont le motif véritable était de la convaincre que les chariots mérovingiens, avec ou sans couette, étaient des adaptations de la Troïka russe.

Suzanne ne fut pas dupe mais elle prit l'argent car elle avait besoin de repos. Elle partit en vacances sur une plage ensoleillée.

On était hors saison, la plage était tranquille. Tous les matins, cependant, elle partageait l'étendue sablonneuse avec un assez bel athlète, blond aux yeux bleus, queue de cheval  et moustaches gauloises.

Chacun sait que l'un des apports des Mérovingiens fut de relier Les Francs aux Gallo-Romains. Cette notion ne manqua pas d'influencer notre Suzanne.

Il s'avéra que notre Adonis était gardien de musée ; de toute évidence,  il compensait la position assise qu'il occupait dans la journée par un travail assidu au gymnase.

Il surveillait la salle des Carolingiens mais il avait l'esprit ouvert et pouvait écouter Suzanne parler des Mérovingiens pendant des heures sans que son intérêt ne faiblisse surtout lorsqu’ils devisaient en plein soleil. Ce qui devait arriver arriva. Elle fut séduite, il l'épousa sur le champ - ou plutôt sur la plage -. Les voilà rentrés à Paris.

Elle visita la salle des Carolingiens, il pensait à elle en traversant celle des Mérovingiens. Le soir , pendant qu’il prenait soin de sa musculature, Suzanne préparait le repas. Quand le besoin se faisait sentir, elle lavait, faisait le ménage, s'occupait des courses, vaquait aux besoins du ménage.

Malgré les encouragements, puis les requêtes appuyées et finalement les reproches, le bel athlète ne mettait pas la main à la pâte. La spécialiste des Rois Fainéants dut se rendre à l'évidence : elle avait épousé le roi des fainéants......

                                                                  Colette Stylianou.

mardi 3 février 2015

LE GOÛT DES MOTS


  
    Quand je voulais attirer mes élèves vers les langues anciennes –ne surtout pas
dire langues mortes- je me gardais bien de leur parler conjugaison et déclinaison,
je leur parlais mythologie et vocabulaire.
Nous travaillions par exemple sur les mots « cheval », « équitation », « hippodrome »,
-avec un I et non un Y même si c’est un mot d’origine grecque – Pourquoi 3 mots aussi
différents pour un même champ lexical? …… et nous partions sur la cavalerie,
l’hippopotame, l’hippocampe, les équidés etc. Cela, je dois dire, les passionnait.
Je m’attachais aussi à 2 mots : « sympathie «  et « condoléances ». Je leur montrait
que, par leur origine ces 2 mots avaient exactement le même sens. Les préfixes con en
latin et sym en grec signifiant le partage et les verbes « doléo » en latin et « patho »en
grec signifiant « souffrir, ressentir ». Que l’on présente ses condoléances à quelqu’un
ou qu’on lui prouve sa sympathie, c’est la même chose : on partage ce qu’il ressent,
ce qu’il éprouve. Chaque mot a fait son chemin, l’un a pris une voie plus triste,
évidente avec sa terminaison en « ance » alors que le I de sympathie annonce quelque
chose de plus gai.
J’ai donc beaucoup joué avec les mots en classe de latin et grec.

Mais aujourd’hui c’est sur un autre mot que j’ai voulu me pencher, un mot qui sera
bientôt de circonstance, le mot GOURMANDISE

Sentez-vous combien ce mot évoque bien ce qu’il est ?
Prenez un bonbon, débarrassez-le de son papier, portez le à la bouche.
D’abord, vous en avez plein la bouche. Vous êtes embarrassées par ce bonbon. Votre
bouche en devient gourde, malhabile, c’est la syllabe GOUR.
Ensuite, vous mâchez lentement, ou vous sucez, le bonbon. Tout devient plus léger,
votre nez participe de cette expérience ; c’est la syllabe nasale MAN.
Vous avez bien mâché, reste en votre bouche le suc de votre bonbon,ce suc cette saveur
atteint vos papilles, se répand dans vos fosses nasales; C’est la syllabe DISE
qui glisse et envahi votre sens gustatif. 
En 3 étapes, votre bouche est passée de la lourdeur de ce cube de pâte sucrée à la
légèreté de la saveur citron ou menthe de votre bonbon.
Etre gourmand, c’est lourd, s’adonner à la gourmandise, c’est léger.
     Est-ce donc vraiment un défaut comme le prétend la sagesse populaire ?

Mais pourquoi le verbe « gourmander »? quel rapport avec la gourmandise?
Heureusement ce verbe a disparu de notre langage habituel! Nous ne gourmandons
plus personne d’être gourmand! Au contraire, nous l’apprécions d’être gourmet
(avec un T ) et non gourmé (sans t final).
Et un gourmand, ce rameau inutile, inutile un gourmand? oui, mais en horticulture
seulement! Quant au mot gourme, jetons-le immédiatement il est bien laid.

MOTS MAGIQUES



          A la question "Quel est le mot le plus évocateur pour vous? " , moi je répondrais que je n'en ai pas un de spécial mais plusieurs selon les étapes de la vie
           Mon premier est SUPERCALIFRAGILISTICO extrait du film de Mary Poppins que j'ai vu vers l'âge de 10 ans ; je trouvais ce mot marrant et à l'école, on faisait le concours de le dire plusieurs fois sans se tromper .
          A 18 ans , je n'avais pas encore de copain mais le mot le plus doux était BEBE; j'achetais des revues spécialisées pour être prête au moment tant désiré ; Au grand désespoir de ma mère, je disais qui si à 30 ans , je n'avais pas de fiancé, je ferais un bébé toute seule .
          Evidemment , par la suite , le mot est devenu AMOUR et je pense que c'était le moteur de la plupart des filles de ma génération; Je suis tentée de dire que maintenant , il y a d'autres points de mire qui entrent en compte .
          Cette année , c'était MAMIE D'AMOR . Tiens , quelle coïncidence ...... mes petits-enfants ont mamie Annick et ils m'ont décerné le plus joli titre du monde :mamie d'amour , ça se passe de tout commentaire.
           A partir d'aujourd'hui, 2 décembre, et sans renier le mot précédent , j'ajoute à ma liste le mot AMITIE, sentiment que je cherche à votre contact et que je vous donne à mon tour .