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samedi 9 janvier 2016

L'armoire de famille par Amada

Dans un mas du Roussillon entouré de mimosas et baigné par le soleil on vient d’enterrer la grand-mère et la famille se réunit pour le partage, tout se passe dans la sérénité et le respect mutuel. Le fils ainé prend les meubles pour garnir sa maison d’été et il dit
- Comme ça quand vous viendrez passer les vacances chez moi nous penserons aux parents-.
Il emporte tout mais hélas l’armoire est trop grande et elle ne rentre pas dans la maison ; il la dépose dans le hangar et il l’oublie.
Sa fille était très proche de mamie Gabrielle et elle se dit que c’est dommage de le reléguer ainsi, elle revoit sa grand-mère le nettoyer avec tendresse et le regarder d’un air triste.
Chaque fois qu’elle vient en vacances elle y dépose ses objets les plus précieux, c’est son jardin secret ; il y a la bague faite de bris d’herbe que son premier fiancé lui a offert à sept ans, les poèmes qu’elle écrit et que n’ose pas montrer ni à sa meilleure copine, il y a aussi sa première fiche de paye.
Aujourd’hui le ciel est gris et elle traine une mélancolie inexpliqué, du coup elle va se réfugier dans le hangar pour parler à sa grand-mère. Elle ouvre l’armoire et l’odeur de lavande qui s’en dégage emplit le local et son cœur. Elle aperçoit un petit bout de papier qui dépasse d’une planche, intriguée elle le prend et voit que c’est une lettre comme elle n’en a jamais vu, avec des cœurs et des roses, surprise elle la lit.

Ma chère Gabrielle,
Tu ne peux pas t’imaginer comme je suis content de savoir que nous attendons un bébé ; mon ciel s’illumine dans cette barbarie de la guerre. Ne t’inquiète pas c’est avec beaucoup de bonheur que je m’occuperai de vous : si j’ai une permission nous nous marierons tout de suite, sinon ça sera chose faite quand je rentrerai.
Je pense à vous deux et je t’embrasse très fort
Ton José

Ouf… que d’émotion !
Mais…. Il y a encore une autre lettre… voyons…

Mademoiselle Gabrielle Durand
Nous sommes au regret de vous annoncer le décès du soldat José Pla, il est mort en héros mais étrangement avec le sourire aux lèvres.
La Patrie est fière de lui.

Quand elle a fini la lecture les larmes coulent sans fin sur son pâle visage.
-Mamie, je suis la continuation de ton amour, tu as donné à ton premier enfant, mon père, le prénom de José ; je comprends maintenant ta tristesse quand tu passais près de l’armoire. Je te jure qu’il ne me quittera jamais, je t’aime mamie.

mercredi 6 janvier 2016

Les armoires de famille par Amédine

Les armoires de famille : s’il est bien un thème qui ne m’inspire pas, c’est celui-ci. Je sais ce n’est pas le premier ! Il ne me vient à l’idée que le titre d’ Annie Ernaux, son premier roman, « Les armoires vides ». Et en plus elles sont vides…
J’ai beau tourmenter mon cerveau, pas un souvenir d’armoires ne me revient, et ce, depuis qu’on a fixé ce thème. Alors j’ai imaginé inventer une armoire, avec des souvenirs d’autres armoires issues d’ailleurs que dans ma famille. J’ouvrirais les portes de merisier ou de noyer massifs et un monde de draps empesés, bien rangés, blancs ou écrus, tissés de ce fil ou de ce lin qui les rendaient pesants et imposants m’enverrait son parfum au visage. Des draps ornés de jours et de broderies patiemment et artistiquements construits point par point par une demoiselle du temps jadis. Je pourrais loger entre ces draps des sachets de lavande décolorée. Les étagères seraient ornées de dentelles courant sur leur longueur et les tiroirs regorgeraient de bijoux, vieilles montres, petits carnets, petites boites et photos. Même entre les piles de draps pourraient dormir des billets de banque, soigneusement et illusoirement cachés.
Bien sûr ces imposantes armoires cacheraient comme au temps d’antan sous leur ventre une paire de valises, dont la mortuaire, et sur leur toit, à près de trois mètres de haut, derrière la lourde corniche, le fusil familial.

Mais je n’ai pas envie d’inventer.
Je pourrais décrire les armoires Louis XV de ma belle-famille, aux pattes torses et coquilles sculptées que je n’aimais pas ; mais elles ne sont pas mon passé.
Je pourrais aussi parler de ces armoires d’aujourd’hui sur lesquelles on se penche à quatre pattes, devant une armée de planches découpées et percées, une notice dans une main et un tournevis cruciforme dans l’autre, sachant d’avance qu’au bout du compte quelques écrous et pointes iront rejoindre la boite « petite quincaillerie » dans mes étagères de bricoleuse. Armoires vides d’âme qui ne seront pas miennes.
Pourtant me reviennent sans cesse ces vastes placards remplaçant les armoires, qui habillaient de grandes portes sombres un pan de mur entier, portes sur lesquelles à la faveur des nervures du bois et de leur absorption de la couleur et du vernis je lisais des histoires de paysages grandioses, de forêts, de routes , de montagnes quand ce n’était pas un bestiaire qui apparaissait figé pour l’éternité. Mais on ne me demande pas de parler de placards ; mes armoires seraient elles rangées au placard ?
Curieusement, c’est au moment où je n’y pense pas, au volant de ma voiture que je ressens un souvenir ; il s’insinue dans ma main droite et j’éprouve le toucher, le ressenti , la vue et même le bruit d’une petite clé qui tourne dans une serrure bancale. Stupéfaite, je vois se dessiner autour de cette clé un tiroir que j’ouvre mais dont je ne vois pas le contenu ; par contre je saisis le toucher, le bruit et la teinte de ce tiroir. Je ne perds pas de vue la route mais une étagère le surmonte, où sont alignés par couleur des livres de la bibliothèque rose, puis verte et enfin rouge et or. Mais c’est…bien sûr !...mon armoire d’adolescente, dans ma petite chambre sous les toits, au plafond bas donc une armoire proportionnée à cette pièce et à ma taille. Il y a des vêtements pliés sur les étagères , des couvertures sans doute aussi. Et me reviennent ces deux portes noires, sombres et légères à la fois car cette armoire sans la moindre valeur était de bois léger, qui fut blanc et devint couleur paille, de peuplier peut être ? Qu’est devenue cette armoire ? Elle a fini de beaux jours sans doute dans un hangar agricole comme il était souvent de mise. Mais je sais maintenant ce que contenait le tiroir fermé à clef : mon journal intime, une liasse de feuilles d’écolier couvertes d’une fine écriture penchée à l’encre violette ou verte, ce journal que je brûlai un jour de janvier 2006. Sans le relire jamais. Hélas.

mardi 5 janvier 2016

Les armoires par Jacky


L'armoire de ma grand'mère par Nicole

Toute une histoire que celle de « la grande armoire » ou plus exactement celle de ma Grand-mère maternelle....
J' ai vécu quelques années dans l' espoir de connaître cette petite dame bretonne qui était en photo dans la chambre de mes parents, j' aimais ses rides... j' aimais sa petite coiffe blanche... mais surtout les yeux brillants de ma Mère lorsqu' elle m' en parlait... Rien à voir dans le portrait de cette Mamy (d' un autre monde pour mon esprit de petite fille) avec celui de ma « Mémère » parisienne que j' adorais mais qui était bien réelle et n' évoquait pour moi aucun mystère,
Combien de fois  ai-je entendu ces paroles : Après la guerre nous irons à Cancale et nous te présenterons à toute la famille !
Puis un jour j' ai compris que le rêve de Maman qui était devenu le mien s' était écroulé à jamais...
je la voyais triste dans ses vêtements noirs , les yeux souvent embués de larmes. Même Papa avait perdu son sourire enjôleur.
Enfin il y eu ce projet du voyage de la « Grande armoire »...
J' ai su plus tard que mes parents avaient renoncé à l' héritage pour le léguer en intégralité aux frère et sœurs de Maman qui s' étaient occupé jusque' à la fin de ma grand-mère .
Simplement Maman avait demandé l' armoire familiale « Louis Philippe » qui représentait pour elle un souvenir précieux.
Il avait été décidé qu' elle voyagerait par le train, J' en attendais l' arrivée comme si c' était le retour du Messie et du bonheur dans la maison. Je voyais bien la lueur qui éclairait maintenant les yeux de ma Maman ! C' était fugace mais visible...
Je ne sais comment Papa s' était débrouillé pour le transport de la gare à la maison, j' en ai perdu le souvenir. Nous n' avions pas de voiture ! Ce dont je me souviens c' est de ma déception lorsque j' ai vu arriver des morceaux de bois... Une armoire en kit quelque part.. causant d' énormes difficultés à mes parents pour ajuster chaque panneau... j' ai cru qu' ils n' y arriveraient jamais !
Elle se transforma petit à petit et pris de l' allure au fur et à mesure de la disponibilité de mon Père, le soir après son travail.
Enfin elle était sur pied... c' était un dimanche... c' est bizarre mais ce jour est resté encré dans ma mémoire...
Maman l' avait cirée et faite reluire, elle trônait dans la salle de séjour, majestueuse et fière, elle brillait intensément,on aurait pu se mirer dans ce bois clair et rosé. je l' observais avec les yeux de l' amour. C' était un peu de mon aïeule ressuscitée  et toujours aussi mystérieuse !
Nicole tu vas m' aider à ranger dans la « grande armoire » !
Oui Maman .
Voilà elle venait d' être baptisée et son nom lui est toujours resté.
Il va sans dire qu' au décès de mes Parents j' ai récupéré ce mobilier, je l' ai bichonné... il m' a suivi dans mes déménagements et a toujours occupé une place royale jusque' au jour où le destin en a
décidé autrement mais cela c' est une autre histoire.... pas très heureuse cette fois. Peut-être éprouverai-je l' envie de me raconter si un jour le sujet se présente....