C’était un jour d’été ce qu’il
y avait de plus ordinaire : un soleil de plomb appesantissait
ses rayons de feu sur le village et réduisait les ombres à leur
plus simple expression, juste quelques figures géométriques, des
lignes épaisses, des carrés, des rectangles, d’autres plus
fantaisistes, une impitoyable géométrie qui relevait pas sa couleur
et son illusoire fraîcheur l’ardeur, que dis-je ?
l’incandescence du jour.
Alors que le village était vide de
toute vie, muet, silencieux, alors que d’ordinaire je me terre
derrière les épais murs de pierre de ma maison, ce jour là, sous
l’ardeur du jour, je soignais la haie de mon jardin qui ne m’avait
rien demandé. Nulle vie et nul bruit. J’avais deux voisins tout
aussi téméraires que moi, sinon plus, car ils étaient au beau
milieu du carrefour, posés là par l’exercice redoutable de leur
fonction : deux motards de la gendarmerie. Ils suaient à
grosses gouttes dans leur habit couleur ciel et, sous leur calot,
ils tuaient admirablement le temps par un parfait stoïcisme, le
geste lent et l’œil vague, dans le silence épais que nul moteur
ne troublait. Seulement le cliquetis ténu de ma cisaille.
Le temps eut pu couler inlassablement,
à la manière d’un sablier géant engorgé par la chaleur épaisse.
J’ignorai les deux pandores, fort
affairée à ma haie.
Soudain jaillit dans mon dos, venue du
carrefour, une bordée de sifflements rageurs telle une vague de
tsunami recouvrant la plage déserte et dorée.
Je me retournai, saisie , et j’assistai
à une des scènes les plus cocasses de mon existence.
Une voiture, surgie silencieusement de
la campagne, abordait le carrefour avec maestria et précipitation ;
au volant une jeune femme, le téléphone vissé à l’oreille,
devisait avec animation, indifférente à la route, à la chaleur, et
aux sifflements impérieux. Elle passa, superbe , sourde et aveugle.
Mais non muette assurément. Je me précipitai, mue par un instinct
de solidarité féminine afin d’éviter à la malheureuse la double
peine qui allait lui être infligée : délit de fuite en sus de
la conduite en téléphonant. Rien n’y fit : devant mes
cisailles aussi médusées que la maréchaussée, elle passa ,
toujours aussi sourde et aveugle –mais non muette-, glissa au bout
de la rue et disparut sans avoir rien vu.
Aussi sidérée que les gendarmes, je
restai figée.
Le motard non en colère, résigné et
épuisé d’avoir sifflé rangea son outil inutile et repris sa
place immobile sous l’ardeur du soleil, avec un geste las..
Quant à moi, je
retournai à ma haie, laissant deux gendarmes au soleil, avec une
sérieuse pointe d’amertume, à la pensée de contraventions
passées, juste pour une pincée de km/h en trop…et une poignée
d’euros en moins.
Injustice quand tu nous tiens….
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