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mardi 3 novembre 2015

Les outils modernes de communication par Amédine

C’était un jour d’été ce qu’il y avait de plus ordinaire : un soleil de plomb appesantissait ses rayons de feu sur le village et réduisait les ombres à leur plus simple expression, juste quelques figures géométriques, des lignes épaisses, des carrés, des rectangles, d’autres plus fantaisistes, une impitoyable géométrie qui relevait pas sa couleur et son illusoire fraîcheur l’ardeur, que dis-je ? l’incandescence du jour.
Alors que le village était vide de toute vie, muet, silencieux, alors que d’ordinaire je me terre derrière les épais murs de pierre de ma maison, ce jour là, sous l’ardeur du jour, je soignais la haie de mon jardin qui ne m’avait rien demandé. Nulle vie et nul bruit. J’avais deux voisins tout aussi téméraires que moi, sinon plus, car ils étaient au beau milieu du carrefour, posés là par l’exercice redoutable de leur fonction : deux motards de la gendarmerie. Ils suaient à grosses gouttes dans leur habit couleur ciel et, sous leur calot, ils tuaient admirablement le temps par un parfait stoïcisme, le geste lent et l’œil vague, dans le silence épais que nul moteur ne troublait. Seulement le cliquetis ténu de ma cisaille.
Le temps eut pu couler inlassablement, à la manière d’un sablier géant engorgé par la chaleur épaisse.
J’ignorai les deux pandores, fort affairée à ma haie.
Soudain jaillit dans mon dos, venue du carrefour, une bordée de sifflements rageurs telle une vague de tsunami recouvrant la plage déserte et dorée.
Je me retournai, saisie , et j’assistai à une des scènes les plus cocasses de mon existence.
Une voiture, surgie silencieusement de la campagne, abordait le carrefour avec maestria et précipitation ; au volant une jeune femme, le téléphone vissé à l’oreille, devisait avec animation, indifférente à la route, à la chaleur, et aux sifflements impérieux. Elle passa, superbe , sourde et aveugle. Mais non muette assurément. Je me précipitai, mue par un instinct de solidarité féminine afin d’éviter à la malheureuse la double peine qui allait lui être infligée : délit de fuite en sus de la conduite en téléphonant. Rien n’y fit : devant mes cisailles aussi médusées que la maréchaussée, elle passa , toujours aussi sourde et aveugle –mais non muette-, glissa au bout de la rue et disparut sans avoir rien vu.
Aussi sidérée que les gendarmes, je restai figée.
Le motard non en colère, résigné et épuisé d’avoir sifflé rangea son outil inutile et repris sa place immobile sous l’ardeur du soleil, avec un geste las..

Quant à moi, je retournai à ma haie, laissant deux gendarmes au soleil, avec une sérieuse pointe d’amertume, à la pensée de contraventions passées, juste pour une pincée de km/h en trop…et une poignée d’euros en moins.
Injustice quand tu nous tiens….

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