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vendredi 5 février 2016

Les dix mots par Amédine



Toute ressemblance avec des lieux ou des personnages existants n’est pas pure coïncidence ; bien au contraire tout existe dans la réalité.
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Ce n’était pas encore le temps de la poudrerie, à Aristot. J’avais remarqué ce petit village , bien avant tout cela, un jour, depuis l’autre côté de la vallée, en grimpant vers d’austères et éblouissantes montagnes. Je m’étais promis…Ce nid d’aigle m’intriguait. Oui, un vrai nid d’aigle, accroché sur des pentes abruptes, un miracle d’équilibre.

C’est dire si la route grimpait et virevoltait, de lacets en lacets , fort étroite. Au temps de la poudrerie, je ne me fusse point aventurée sur ce trajet. Toutefois il avait bien draché quelques jours auparavant. Les bas côtés de la route en portaient encore les stigmates. Que voulez-vous, ce n’était pas un lieu ordinaire que ce village perdu, accroché par ses griffes de pierre aux flancs de la sierra.
Un peu plus tard, ancrée sur ce perchoir de rocs, je décidai, dans la noire nuit automnale de parcourir ce village étrange où même un tap tap ne se fut point hasardé.
Les quelques lumerottes blafardes me guidaient dans des ruelles qui n’en étaient pas, juste sentiers d’herbe et de rocs  où veillaient de nombreux chats à la mine chafouine.
Il eut été vain que je cherchasse en ce lieu un quelconque dépanneur qui m’eut servi quoi que ce fût ; pas le moindre espoir de ristrette et ce fut d’ailleurs préférable pour profiter de la plénitude du sommeil en ces lieux.
La soirée était bien avancée et je débouchai sur la rue principale, guère mieux éclairée par d’éparses lumerottes, lorsque je le vis. Je fus surprise par cette silhouette immobile, appuyée sur sa canne. Il m’interpella brusquement , dans cette langue étrangère un peu rauque que heureusement, je comprends et je parle. Il crut, m’avoua t’il, que c’était sa sœur qui arrivait par le sentier. Il l’attendait, elle venait de là bas, au loin, dans la nuit étoilée de cette fin d’automne glacée. Alors nous engageâmes la conversation. C’était un très vieil homme qui attendait sa vieille sœur, comme ils durent s’attendre souvent dans leur enfance. Pourtant ce ne fut pas son enfance qu’il évoqua, toujours appuyé sur sa canne, la mine chafouine , le regard tourné en dedans, vers ses souvenirs. Du temps où le berger vigousse qu’il était courait la nuit dans les montagnes pour assister une vache qui devait vêler.  On eut pu le croire un peu fada, s’il n’avait évoqué avec passion son métier d’autrefois.
« ah, me dit il dans sa langue, c’est sûr que j’étais un peu fada… »
Et ses yeux luisants riaient dans l’obscurité. « Mais tu sais, conclut-il, tandis qu’une noire silhouette se profilait au bout de la rue, j’étais un homme simple…pas comme ce champanié de Manuel, ajouta t’il, en désignant du bout de sa canne une maison imposante, altière, un brin ostentatoire.
Je n’en appris pas davantage. Il se levait déjà pour aller au -devant de sa sœur et je repris mon chemin par les sentiers escarpés , mi escaliers, mi venelles où veillait toujours la dizaine de chats à la mine chafouine sous la lueur blafarde des lumerottes

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Oui un bien étrange voyage hors du temps et hors du monde en ce village au nom évocateur, Aristot. Là bas en catalogne, aux confins de la Cerdagne.

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