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mardi 3 février 2015

LE GOÛT DES MOTS


  
    Quand je voulais attirer mes élèves vers les langues anciennes –ne surtout pas
dire langues mortes- je me gardais bien de leur parler conjugaison et déclinaison,
je leur parlais mythologie et vocabulaire.
Nous travaillions par exemple sur les mots « cheval », « équitation », « hippodrome »,
-avec un I et non un Y même si c’est un mot d’origine grecque – Pourquoi 3 mots aussi
différents pour un même champ lexical? …… et nous partions sur la cavalerie,
l’hippopotame, l’hippocampe, les équidés etc. Cela, je dois dire, les passionnait.
Je m’attachais aussi à 2 mots : « sympathie «  et « condoléances ». Je leur montrait
que, par leur origine ces 2 mots avaient exactement le même sens. Les préfixes con en
latin et sym en grec signifiant le partage et les verbes « doléo » en latin et « patho »en
grec signifiant « souffrir, ressentir ». Que l’on présente ses condoléances à quelqu’un
ou qu’on lui prouve sa sympathie, c’est la même chose : on partage ce qu’il ressent,
ce qu’il éprouve. Chaque mot a fait son chemin, l’un a pris une voie plus triste,
évidente avec sa terminaison en « ance » alors que le I de sympathie annonce quelque
chose de plus gai.
J’ai donc beaucoup joué avec les mots en classe de latin et grec.

Mais aujourd’hui c’est sur un autre mot que j’ai voulu me pencher, un mot qui sera
bientôt de circonstance, le mot GOURMANDISE

Sentez-vous combien ce mot évoque bien ce qu’il est ?
Prenez un bonbon, débarrassez-le de son papier, portez le à la bouche.
D’abord, vous en avez plein la bouche. Vous êtes embarrassées par ce bonbon. Votre
bouche en devient gourde, malhabile, c’est la syllabe GOUR.
Ensuite, vous mâchez lentement, ou vous sucez, le bonbon. Tout devient plus léger,
votre nez participe de cette expérience ; c’est la syllabe nasale MAN.
Vous avez bien mâché, reste en votre bouche le suc de votre bonbon,ce suc cette saveur
atteint vos papilles, se répand dans vos fosses nasales; C’est la syllabe DISE
qui glisse et envahi votre sens gustatif. 
En 3 étapes, votre bouche est passée de la lourdeur de ce cube de pâte sucrée à la
légèreté de la saveur citron ou menthe de votre bonbon.
Etre gourmand, c’est lourd, s’adonner à la gourmandise, c’est léger.
     Est-ce donc vraiment un défaut comme le prétend la sagesse populaire ?

Mais pourquoi le verbe « gourmander »? quel rapport avec la gourmandise?
Heureusement ce verbe a disparu de notre langage habituel! Nous ne gourmandons
plus personne d’être gourmand! Au contraire, nous l’apprécions d’être gourmet
(avec un T ) et non gourmé (sans t final).
Et un gourmand, ce rameau inutile, inutile un gourmand? oui, mais en horticulture
seulement! Quant au mot gourme, jetons-le immédiatement il est bien laid.

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